Cinéma : faut-il lire pour mieux voir ?

Publié le par Dans ton Culte !

grammaire-cinema-couv.jpgConnaître la différence entre en plan rapproché et un plan moyen, est-ce bien nécessaire pour apprécier un film ? Qu’apporte la théorie du cinéma au spectateur ? 

Faire bosser sa ratio, c’est bon pour l’ego

Il faut le dire : repérer les ficelles d’un réalisateur flatte l’égo. Dans Grammaire du Cinéma, Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin expliquent qu’Hitchcock a crée une, voire « la » mise en scène du suspense, laquelle se décompose schématiquement ainsi :

- plan du personnage qui avance, suivi en travelling,

- plan subjectif du lieu où il s’aventure, travelling avant, cet enchaînement étant répété à l’envi.

Après avoir lu ce passage, je m’aventure à la projection du petit dernier de Scorsese, Shutter Island. Au tout début du film, les deux marshals débarquent sur l’île… O surprise ! La scène reprend exactement ce duo de plan ! Habituellement, ma petite tête serait docilement restée collée à l’écran. Mais la lecture préalable a ouvert un espace à la ratio, toujours prête à décoder, parant ainsi la force première des images.

Affuter son esprit critiqueshutter island

De bons ingrédients ne suffisent pas nécessairement à faire un bon plat. Savoir les reconnaître, en revanche, permet au convive de rendre compte, avec un début de discernement, du talent et de l’inventivité du cuisinier. Comme le soulignent les auteurs de Grammaire du cinéma, le cinéma a inventé son langage – les éléments techniques structurants qui en sont le fondement - de 1891 à 1916. Tout ce qui suit représente une incommensurable série de reprises et d’usages sans cesse renouvelés. Distinguer les fondamentaux peut permettre de s’y retrouver dans la jungle des réalisateurs, genres, courants… et affuter, peu à peu, son esprit critique.

Un voyage sans retour ?

Le savoir transforme le regard. Merleau-Ponty le soulignait : un scientifique ne voit pas un paysage de la même manière qu’un peintre. Emprunter le chemin des ouvrages théoriques est peut-être un voyage sans retour. Une fois le film proprement désossé à coup d’analyse, comment réagir aux images de manière épidermique, pleurer, rire ? La dimension cathartique du film n'est-elle pas afférente à son statut de divertissement, antinomique à celui d’objet d’étude ?

« Pourquoi tu m’aimes ? »

Pour s’exprimer, l’amour utilise les corps ; le cinéma, les sons, l’image. L’un et l’autre gardent irréductiblement quelque chose d’insondable, mystérieux, enivrant. Les amants se perdent dans les yeux l’un de l’autre avec cette question sur les lèvres, « dis, pourquoi tu m’aimes ? ». Chacun sait pourtant que toute la prose du monde ne suffit à y répondre.

Grammaire du Cinéma, Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, éditions Nouveau Monde, 2010 (je ne dis pas le prix, c’est un cadeau… :)

 

Voir aussi :

Femmes éplorées, hommes au chevet

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